" Welcome to paradiiiiise", version 4.0

Publié le par Ismaëlle

Quatrième tentative d'écrire cet article commencé hier matin à 7h30 et qui n'en finit pas de changer d'allure. Je recommence à zéro.

J'ai accosté avant hier dans un monde paradisiaque ; depuis le manège tourne comme dans un rêve enivrant qu'on n'arrive pas à fixer, à sentir, à adorer ou à fuire. Au moment où j'ai vu s'approcher la côte aux plages de rèves, cocotiers, petites échoppes multicolores, j'ai compris que j'allais bientôt prendre une claque du genre : " Welcome to paradise". Plus on avançait vers le petit port, le petit ponton, la petite île, plus les yeux écarquillés et le sourire niais je voyais pousser autour de moi un décor de carte postale 3D. Tous les ingrédients du menu "ile paradisiaque", avec les suppléments de sweetness, joy, wonderland and smile qui sont listés dans notre imagination à la page "jardin d'Eden".

J'ai mis le pied sur l'île, et une petite musique de conte de fée a commencé à siffloter dans ma tête, alors que je traversais le petit bout de terre -un gros morceau de caillou surplombé d'une jungle épaisse qui gonfle comme de la mousse sur un chocolat liegeois, et bordé de plages turquoises et jaunes, crémeuses, un gâteau à la pistache avec de la crème anglaise-, à l'arrière de la moto-taxi, je voyais défiler un paysage enivrant de couleurs, d'odeurs, de petits sentiers, de cabanes, de jungle enveloppante. Je me suis sentie comme si j'avais été en voiture avec Roger Rabbit sortant du tunnel et entrant dans le monde des cartoons. 

J'habite dans un bungalows à trente mètres de la plage, la journée n'est qu'une succession de plaisirs et douceurs, un collier aux perles de sucre que je croque une à une à pleines dents.

J'ai grandi en terre chrétienne, je suis musulmane par mon père et juive par ma mère. Considérant les lois élémentaires de la physique selon lesquelles matière et anti-matière s'annihilissent, je considère que ces opposés se neutralisent et que Dieu n'attend rien de particulier venant de moi. Je suis donc étrangère à toute forme de sentiment de culpabilité.

 

 J'ai le choix entre me baigner dans les jupons de flanelle des vaguellettes translucides, regarder la baie en sirotant un thé suave aux épices et au lait concentré depuis mon hamac, discuter voyage avec les globe trotters qui fument des joints sur la terrasse allongés sur les coussins indiens, commander depuis ces mêmes coussins des plats thai délicieux, ou des pâtes italiennes (une des cuisinières est italienne et prépare tous les jours des pasta fraiches avec des sauces à tomber par terre), ou un cordon bleu purée façon thai-home-made : poulet, bacon, fromage frais, enroulés et frits dans une chapelure bien épaisse... Sinon je peux aussi prendre mon vélo et aller au village boire des cocktails mutlicolores, m'arrêter en chemin me rafraichir d'un smoothie frais de fruits exotiques, aller danser et chanter en regardant le coucher du soleil sur Long Beach, rencontrer du monde dans un des multiples bar/restaurant/échoppes qui parsèment l'île. Et je ne suis là que depuis 48 heures.

 Je suis dans un lieu, où la première chose qu'on se dit, c'est que plus jamais de sa vie on ne pourra être piégé par le stress, puisque quelque part dans le monde il existe un endroit pareil. Un billet d'avion, quelques heures de vol, et hop on est au pays de la détente et du plaisir. La deuxième chose que je me suis dit, c'est qu'aucun couple en crise ne pourrait résister à ce décor. Je veux dire : ici, on tomberait amoureux d'une petite cuillère. 

  Et le premier soir, après cette succession de claques en chamalows des tropiques, je me suis dit : c'est trop de plaisirs, trop de douceurs, trop de sourires pour moi. J'ai besoin de tension, d'ambivalences, de matières à penser dans mon coeur, mon corps et mon esprit. J'ai dit à mon voisin de table : " Paradise's lost, but it's lost for a reason. It's just boring". Je me suis dit dans trois jours, je vais m'ennuyer dans ce parc d'attractions géant, je vais être écoeurée par le chapelet de petits bonheurs et de déclinaison des paresses qu'on me propose ici. Je me suis dit : le paradis, c'est pas pour moi.

J'ai commencé à sentir que la petite ritournelle de boite à musique pouvait tout aussi bien virer doucement à l'invasion cérébrale...


Bon.


Et puis il a plu. J'ai fait des rêves profonds, bouleversants. Je me suis réveillée ce matin dans mon bungalow au milieu de la jungle, où les pigeons sont des touquans et où les chatons se font épouiller par les maquacs, et je suis allée direct laver tout ça dans l'eau tiède de la baie.


Le ciel était couvert, les couleurs moins vives. Le paradis avait perdu de son éclat. C'était rassurant. Je pouvais rester quand même encore un peu. Je comprendraipeut-être ce qu'avait voulu dire cet allemand hier soir quand il me racontait que lui aussi il avait ressenti l'ennui, mais que ça avait été une matière florissante, dont avait éclos des découvertes insoupçonnées. 

 

Pour le moment je suis à bord, réticente à me laisser aller à la simple joie d'être là, au paradis, simplement bien ; mais je suis curieuse. Je vais peut-être me laisser envahir par cette ivresse troublante qui me fait divaguer d'un sentiment à l'autre, emportée par ce manège de plaisirs, un peu résistante, mais déjà séduite. Car j'ai l'intuition que vivre au paradis est une expérience moins innocente que la douceur des papayes et les calins du sable blond veulent bien le laisser croire...

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