Réanimation, rewind et police station sous le skytrain.

Publié le par Ismaëlle

Et plouf.

La danse me manque trop, j'avais pris l'habitude de m'éloigner des bungalows en longeant la plage au coucher du soleil, les écouteurs sur les oreilles, pour chanter à tutête en dansant les pieds dans l'eau. "My heart is like a junge druuuuuum", et hop un coup de hanche, "toudoudoum toudoudoum doudoum, My heart is like a jungle druuuuum", jupe dans la main, flamenco style, "toudoumdoum doumdoum", un tour à droite, trois pas par ci, une pirouette par là...et plouf.

Oups.

Silence dans les écouteurs. 

Ah. 

Forcément, il marchera beaucoup moins bien.

Je récupère mon smartphone qui fait le mort sur le sable blond à vingt centimètres de fond en mer turquoise, et je commence la réa dans les volants de ma jupe.

Je suis dans la jungle, l'option sèche cheveux intervention d'urgence n'est pas envisageable. Et fucking smartphone qu'on ne peut pas ouvrir soi-même. 

 En dix minutes, la batterie s'est complètement vidée de son énergie vitale. Je n'ai rien pu faire pour stoper l'hémoragie, assistant impuissante à l'invasion foudrouillante de l'eau de mer dans les entrailles agonisantes de mon précieux.

 

 C'était quelque jours avant de quitter l'île paradisiaque pour le Nord, j'allais passer par Bangkok. Si je ne peux pas réparer, je pourrais surement en trouver un autre pas trop cher. D'autant que sur le bateau, je me rends compte évidémment que j'ai oublié tous mes chargeurs dans mon bungalow. 

 Bangkok, foule, manifestations, retour dans la maison bleue pour quelques jours avant de prendre la route du Nord. Et hop, traverse les manifs, clap dans les mains et siffle avec les sourires festifs, descends vers le canal, saute dans le bateau, terminus à Siam. Changement de décor : trottoires ariens, gratte-ciels multiformes et skytrain qui se fraye un chemin dans la forêt de tours. Et c'est parti pour la recherche du Graal. Un chargeur comme ci, un autre comme ça, quelqu'un pour ressuciter mon téléphone... Je passe d'un tour à l'autre ; et le lendemain, rebelotte. Le troisième jour à cavaler dans les temples de la consommation, tours géantes remplies jusqu'au ciel et à tous les étages de trucs à vendre plus ou moins trafiqués et de vendeurs toujours très souriants mais plus ou moins agréables, à 9h j'étais en position pour l'ouverture des portes, et à 9h05 j'étais déjà avec une gentille dame souriante un téléphone dans la main, prête à ouvrir mon porte-monnaie. Cette fois je n'allais pas réfléchir trois heures et perdre encore une journée à la "Astérix dans la maison qui rend fou", à courir d'un étage à l'autre pour tenter de trouver la personne du deuxième étage dont le monsieur du huitième m'a parlé qui vend des téléphones de la bonne marque et qui pourra bien sûr réparer le mien, si je trouve d'abord la boutique au cinquième, allée centrale, au fond à gauche, qui vend des batteries et qui aura surement un chargeur. A moins que je trouve moins cher au septième ? Non, cette fois, je demande le prix, je discute trois minutes, et je dis ok. 

 Sauf que j'ai pas du appuyer sur le bon bouton, car le cosmos, au lieu de me dérouler la journée : j'achète un téléphone à 9h05 et je me casse de Siam en vitesse pour aller passer la journée dans un parc avec bouquin, sieste et pique-nique de fresh spring-rolls à la coriandre, j'ai eu le scénario téléphone qui marche pas en français, propositions de la dame au grand sourire d'autres téléphones plus chers, discussions interminables sur le prix, savoir si c'était des vrais, des fakes, des premières mains, des secondes mains, pour finalement assister au feu d'artifice de l'explosion littérale du grand sourire de la dame en flamme de dragon enragé. Le prix du premier téléphone, qui avait été ouvert, et que je devais acheté, subissait subitement les effets d'une inflation innatendue, et la gorgonne affirmait sans cligner de l'oeil que c'était le prix qu'elle m'avait donné au départ. Sur ce je devenais une grosse méchante phalang qui voulais partir sans payer la gentille dame alors qu'elle avait ouvert le téléphone pour moi. Oula ! Slow down cosmos ! Take it easy! J'ai le droit de prendre un thé avant la suite de la journée ? Parce qu'après ça a été security point, et la petite troupe conduite par l'agent de la sécurité, animé par les hurlement de la vieille folle et suivie par mon air ahuri, qui se dirige vers le rez-de-chaussée au point informations. Devant le sourire de cire et les grands yeux ornés de faux-cils infinis et raides commes des poils de brosse à dent d'une jeune femme au cheveux longs, aux mouvements robotiques et en costume d'hotesse de l'air de science-fiction. J'inspecte à deux fois pour être sûre qu'il s'agissait d'une personne en chair et en os, et pas d'un Hubo comme dans la série Suédoise. Et pendant une heure, échanges stériles et interminables entre la dragonne en furie, la médiatrice plastifiée sous son maquillage qui tente de garder son calme et moi, mes billets dans la main, prête à payer le prix de départ, mais pas plus. Impossible de partir, dès que je fais mine de quitter le centre commercial si la vendeuse n'accepte pas mon argent, un nuage d'indignation et d'excitation s'agitte autour de moi, si bien que me résoud à faire ce que le robot, l'agent de sécurité et la harpie me demandent : aller régler ça au poste de police. Et c'est parti. Taxi, stéréo non stop de cris hytériques de la folle sur la route, et arrivée à la police station. Quand, après avoir laissé parlé, ou plutôt brailler la vendeuse de téléphone, je tente un calme "Do you speak english ?" à l'agent, et que j'obtiens en retour ni regard, ni parole, j'avoue que je commence à flipper. Un petit film commence à défiler dans ma tête avec numéro de passeport et interdiction de visa à jamais pour la sol Thaïlandais, avec un teaser du style message d'alerte rouge qui s'affiche sur tous les écrans Thaïs de toutes les ambassades du monde à l'entrée de mon nom dans les systèmes informatiques. Mmmmm... peut-être que je vais juste payer. Et fuck, non, je veux pas payer un tier de plus du prix de départ pour cette folle à lier. Je demande un morceau de papier, et j'écris calmement les prix, celui de départ, puis celui de la folle. Elle propose un prix un peu plus bas, et finalement je propose un prix entre les deux. Elle refuse, s'énerve de plus belle, mais je vois que l'agent me prend un peu plus au sérieux, du fait que je garde mon calme et que l'autre commence à mettre tout le monde mal à l'aise avec sa crise de nerfs. Et puis personne ne me demande mon passeport, je me dis que j'ai le temps après tout, et qu'elle en revanche devra retourner travailler. Donc j'attends. Tout le monde attend. Et au bout d'une demi heure à regarder passer les mouches, elle prend le papier et ajoute l'équivalent d'un euro pour la forme au prix que j'avais proposé. Je sors immédiatement mon porte-monnaie, elle me donne mon téléphone, et sors du poste de police en continuant à pester.

Ayé, c'est terminé ! Pffff. Il est 13h. Je saute dans un taxi direction home sweet home, en une faisant une pause au petit salon de massge du quartier pour oublier ces tensions dans les mains de la grosse dame gentille et souriante que je vois tous les jours rire avec ses collègues en passant devant la boutique. 

  Finis Bangkok, j'ai eu ma dose. Demain matin, je prends le bateau et le skytrain jusqu'à la gare routière, douze heure de bus direction Chang Mai, le Nord, le grand air, les montagnes. 

  C'était un peu triste cette dernière soirée dans la maisons bleue. J'avais passée la semaine avec une famille de français adorables, qui voygeait pendant un an en Asie avec les enfants, et qui venaient juste d'arriver en Thaïlande après un mois en Inde. J'avais passé la semaine à leur venter les mérites de l'île paradisiaque d'où je venais de passer quinze jours. Ils partaient le lendemain rejoindre les plages de sable chaud. C'était bien cette soirée. Je n'avais pas envie de les quitter. J'aurais bien fait plus ample connaisance avec ces voyageurs souriants et enjoués. J'aurais même bien aimé faire un peu la maîtresse avec les enfants. Mais bon demain, le Nord. 

 " - Vous avez trop de chance, les couchers de soleil sur la baie sont magnifiques, c'est le paradis. Et l'eau turquoise en lisière de la jungle...Vous allez adorer."

 - Pourquoi tu viens pas avec nous ?

 -....

 - :-)

 - .... :-) "

 

Ben oui, pourquoi pas ?

 

Et voilà, toute l'histoire de mon échec total à monter dans le Nord au delà de Bangkok, et de mon "rewind" vers l'île paradisiaque. Trois semaines que je suis là, je m'apprête à passer Noël sous les tropiques, une pailles dans la bouche, les pieds dans le sable blanc, avec le chant des sirènes qui roucoule dans mes oreilles. Je me blottis dans leurs bras câlins, je m'abandonne à la douceur et aux plaisirs, et je souris béatement en nageant dans mon bonheur. 

 

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