Super-pouvoirs, forêt magique et joker à la noix de coco

Publié le par Ismaëlle

On the raod again ! Loin le hamac sur la terrasse et la petite chambre en bois, les soirées avec les travelers à manger de la papaye en écoutant un air de cithare, allongés sur le parquet couvert de coussins indiens. Le passage par la maison douce au bord du canal m'a propulsée dans mon voyage comme si le hamac flottant dans les rires, la musique et les conseils des vieux de la vieille de l'Asie du Sud Est avaient été des starting block.

J'ai quitté Bangkok hier. 

Et bien que ça paraisse complètement suréaliste, la fille des bois que je suis, avec la tête dans les étoiles et des punaises dans les cheveux, a adoré cette ville. C'est vrai que j'avais découvert deux ou trois trucs ultra jubilatoires pour pallier au speed des voitures, à la pollution et aux gens du coin exaspérés par les touristes et parfois limite racistes avec les "phalang".

Par exemple au détour d'une rue -enfin une rue, je te parle du truc qui fait trente mètres de large et au bord duquel tu comprends même pas comment tu es encore en vie vue le flux de machines à roues qui pétaradent, qui te crachent leur fumée noire à la gueule, et qui percent tes tympans avec une compétition de klaxons et de moteurs surpersoniques- j'ai découvert un des trucs les plus jouissifs que j'ai jamais expérimenté. Ever. J'étais entrain d'attendre, le coeur battant, l'oeil allerte, la possibilité de pouvoir enfin franchir ce putain de passage piéton (cette fois là il semblait que j'étais la seule à vouloir traverser, je ne pouvais pas mettre en oeuvre ma petite manoeuvre secrète qui consiste à m'accrocher en mode kaola-boulet aux bask du premier piéton entamant une traversée pour atteindre la terre promise, l'autre côté de la rue). J'attendais, j'attendais... et là je vois un gros bouton à côté de moi. Le genre de truc qu'il y a à Paris, sur lequel tu appuies pour passer le temps, tout en sachant pertinemment que le feu piéton ne passera pas au vert plus vite. Donc j'appuie dessus. Naïve. Candide. Virginale. Et là, apparait sur un énorme feu piéton en face de moi sur l'autre rive du flot de bagnoles, un compte à rebours rouge de 30 secondes. Là je sens que j'ai déclenché un truc. J'attends fébrile la fin du décompte. J'espère que personne ne m'a vue, tempes battantes, je me fais toute petite. 3...2...1... 0. Feux rouge pour les voitures, pause générale. Voitures, camions, tuktuk et compagnie, tout le monde s'arrête devant le passage piéton, et me regarde traverser tranquille, toute seule. Le temps de jouir intérieurement, honteuse mais gourmande, du plaisir suprème d'avoir eu le pouvoir d'arrêter tout ce bordel juste en appuyant avec mon petit doigt sur le bouton rouge, je réalise qu'un autre compte à rebours s'est déclenché en face : mais celui là il n'est que de 10 secondes. I got the power... mais juste pour 10 secondes, faut pas déconner! Pour parcourir les 30 mètres de passage piéton, il faut courir vite ! 

Quand j'ai découvert ça, j'ai usé et abusé du petit bouton rouge qui me donnait, le temps de 40 secondes, le sentiment d'être toute puissante sur la grande ville.

Parce que c'est grand, gigantesque, labyrinthique. Mais sans angoisse. Comme une grande forêt magique avec toutes sortes de bosquets, d'allées, de chemins, de clairières, de grottes, qui se succédent et s'entremèlent, on se lance, on galoppe, on flane, mille fois la boussole fais des tours complets à en faire tourner la tête, Bangkok joue à colin maillard, passant de canaux à centres commerciaux de quinzes étages, de rues bondées d'odeurs de poissons frits et de soupes épicées à la citronelle, aux bidonvilles qui longent la voie ferrée, rasés par la marche lente des trains qui partente vers le sud. Quelques pas de plus, et on est téléportés au milieu des gratte-ciels futuristes, emportés au loin par le skytrain dans une course glacées par la clim au milieu des tours, bercés par les spots de pub qui vendent des rêves kitichissimes de potions multivitaminées et de pizza au fromage aux citadins souriants comme des enfants devant les écrans de TV.

Et c'est l'arrivée dans la jungle du "week-end market", gigantesque condensé de foule et d'étales se succédant à l'infini dans une halle stridées de minuscules allées tentaculaires. Et quand il fait trop chaud, trop de monde, trop de paquets, trop de sourires, de chapeaux essayés, de boucles d'oreilles collectionnées, de Sâa wa dee kâa et de Korn pun kâa, on voudrait rentrer, mais on est perdu. Quelque part au milieu d'une grande halle, quelque part dans la grande ville.

Et c'est le meilleur moment.

Car dans ce pays magique, quand on est perdu, il a des jokers qui sortent tout sourire de chaque coin de rue. D'abord il y a les marchands ambulants qui vendent pour trois piecettes du réconfort. Sous forme de brochettes de boulettes frites, de rouleaux de printemps aux gouts  mutlicolores, de petits gateaux aux amandes, de sachets de fruits frais découpés en morceaux devant nos yeux et de jus de grenades pressées     en temps réel. C'est comme des calins à emporter, on voudrait se sentir mal dans la ville, perdu et abandonné juste pour le plaisir d'avoir à se remonter le moral en croquant dans une bouchée vapeur à la coriandre et à la sauce aigre doux.

Au marché aux puces de Paris, quand tu en as plein les pattes, tu peux au mieux espérer une cannette de coca à 4 euros. A Bangkok, on te tend une noix de coco fraiche sortie de la glace, scalpée en direct, avec une paille qui sort du chapeau. Pffff.... oui ça je crois que c'était le meilleur moment. L'eau de coco glacée qui coulle dans ma gorge au milieu du week-end market. 

 

Et moi qui voulait vous parler des 8 heures de bus d'hier, de mes rêves d'îles, de la mer ce matin, de mon incapacité à mettre plus qu'une demi jambe dans l'eau chaude et turquoise - breaking news : Ismaëlle est un matelot qui a peur de l'eau, même dans les petites vagues mignonettes de Thaïlande, je n'ai pas pu me baigner. Je peux partir toute seule au bout du monde et faire des tours de hamacs acrobatique, mais me baigner toute seule dans la mer, ça je sais pas faire-, de la petite table en métal rouge sur laquelle j'écris, devant ma nouvelle chambre chez des gens adorables, au milieu d'une cours à moitié couverte d'une très haut toit de taules, servant à la fois de salon pour se retrouver le soir fébriles et en suspens devant les larmoyants et incontournabes feux de l'amour version Thaï, de cuisine et de presse pour la production d'énormes bariles d'huile de je ne sais pas encore quoi.

Je voulais vous parler de tout ça, mais ça sera pour la prochaine. Demain je quitte déjà le coin, je traverse le pays pour aller sur l'autre côte, me rapprocher des îles de mes rêves...A moins que je reste encore un ou deux jours, on verra demain matin !  

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